dimanche 28 octobre 2007

Eléments de bibliographie générale en géopolitique

BADIE B., 1995, La fin des territoires, Paris, Fayard
CLAVAL, P, Géopolitique et géostratégie. La pensée politique, l'espace et le territoire au XXe siècle. Paris, Nathan, 1994 *
FOUCHER, M, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique. Paris, Fayard, 1988
CHAUPRADE A., 2002, Géopolitique, Constantes et changements dans l'histoire, Paris, Ellipses, 911 p. [2e édition 2003].
DOLLFUS Olivier, La nouvelle carte du monde, Paris, PUF, coll. « QSJ ? », 1997, 126 p.
DURAND Marie-Françoise, LEVY Jacques, RETAILLE Denis, 1992, Le Monde espace et systèmes, Paris, Presses de la FNSP & Dalloz, 565 p.
FUKUYAMA F., 1992, The End of History and the Last Man, New York, Free Press.
GOTTMANN J., 1952, La politique des États et leur géographie, Paris, Armand Colin.
GOTTMANN J., 1955, Éléments de Géographie Politique, Paris, Les Cours de Droit.
GOTTMANN J., 1966, Essais sur l'Aménagement de l'Espace habité, Paris, Mouton.
GOTTMANN J., 1973, The Significance of Territory, Charlottesville, The University Press of Virginia.
HUNTINGTON S., 1996, The clash of civilizations and the remaking of world order, New York, Simon & Schuster.
LACOSTE Y., 1985, La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, Paris La Découverte, 215p. [1ère éd., Paris, F. Maspéro, 1976].
LACOSTE Y., 1995, Dictionnaire de Géopolitique, Paris, Flammarion, 1699 p. [1ère éd., 1993].
PREVELAKIS G., 1996, "La notion de territoire dans la pensée de Jean Gottmann", Géographie et Cultures, no 20, pp.81-92.
PREVELAKIS G., 2001, “Circulation/Iconographie contre Homme/Nature: Jean Gottmann et la «délicatesse de la causalité»” in P.-J. Thumerelle, Explications en géographie. Démarches, stratégies et modèles (Paris, SEDES), pp. 40-55.
SOPPELSA Jacques, BATTESTI Michèle, ROMER Jean-Christophe, 1988, Lexique de Géopolitique, Paris, Dalloz, 277 p.

samedi 27 octobre 2007

Séminaire du 02 novembre 2007

Chèr (e) s ami (e) s,

Les séminaires de l’Université Populaire de Boston continuent. Je vous rappelle que l’année est dorénavant divisée en semestres.

Le premier semestre accueille deux cycles de séminaires:
- Un cycle de philosophie: “Les figures du philosophe-voyou, pour une histoire de la philosophie dangereuse”, animé par Olivier St-Vincent
- Un cycle de géopolitique: "Géopolitique de la Méditerranée", animé par Mehdi Lazar

Le second semestre accueille deux cycles de séminaires:

- Un cycle de littérature: “Pour une anti-histoire de la littérature française”, animé par Olivier St-Vincent
- Un cycle de biologie, animé par Pierre Saintin, suivi d’un séminaire de clôture, animé par Véronique Valdetaro.

Le calendrier annuel vous sera communiqué très prochainement.











Cette semaine, vendredi 02 novembre à 19h00, Olivier Saint-Vincent animera son deuxième séminaire sur “Les figures du philosophe-voyou, pour une histoire de la philosophie dangereuse”, dans la salle d'honneur de l'International School of Boston, 45 Matignon road, Cambridge.
Le sujet du cours est: “Protagoras, le philosophe au javelot”

Pour préparer la séance, il vous invite à réfléchir sur cet aphorisme célèbre de Protagoras:
« L’homme est la mesure de toute chose ».
Retrouvez également en ligne le synopsis du cours du 05 octobre 2007, "Eloge des sophistes".

Prochains séminaires

Dans l'attente du calendrier en bonne et due forme, les deux prochains séminaires auront lieu:

- pour "L'histoire de la philosophie dangereuse" par O.St-Vincent, le vendredi 02 novembre, dans la salle d'honneur de l'International School of Boston*, début du cours 19h00

- pour "La géopolitique de la Méditerranée" par Mehdi Lazar, le vendredi 09 novembre, dans la salle d'honneur de l'International School of Boston*, début du cours 19h00

*: 45 Matignon road, Cambridge.
Métro Alewife
Bus 77, arrrêt Matignon School

lundi 15 octobre 2007

Bibliographie Séminaire 1 Philo: "Eloge des sophistes"

Voici une courte bibliographie - non commentée - sur les sophistes. Beaucoup des avancées sont venues du monde anglo-saxon...

W.C.K GUTHRIE, Les sophistes (Paris, Payot, 1988)

M. ONFRAY, Les sagesses antiques (Paris, Grasset, 2006)

G. ROMEYER DHERBEY, Les sophistes (Paris, P.U.F, 1985)

J. DE ROMILLY, Les Grands Sophistes dans l'Athènes de Périclès (Paris, De fallois, 1988)

dimanche 14 octobre 2007

Synopsis 1er séminaire philo: Eloge des sophistes




« Les figures du philosophe-voyou, pour une histoire de la philosophie dangereuse »


“ Eloge des sophistes”


Introduction:


· Objet du cycle de s’inventer « archéologue », au sens foucladien

· Parenté avec la contre-histoire de la philosophie de Michel Onfray

· On commence avec les sophistes – le terme lui-même est balafré. Péjoratif. Désigne un sans foi ni loi.

· Dans l’antiquité, le mot a plusieurs acceptions : poète, acquéreur d' un art, le malin, le manipulateur. Il désigne aussi tout simplement, le professeur. – sophia : sagesse, savoir – philosophia : amour de la sagesse.

· Célèbres et appréciés au Vème siècle, les temps modernes ne les connaissent pas, si ce n’est pour les dénigrer, faire-valoir de l’idéalisme platonicien ou autre. Leurs œuvres sont inexistantes. Des fragments. Des morceaux de pensées laissés à la postérité, qui ne pèsent pas lourd dans la balance, quand Platon propose des dialogues à n’en plus finir, en texte intégral, où il met en scène la déconfiture des sophistes. Aberration de « présocratiques » .

· Il est temps donc de sortir de l’ombre ces penseurs auxquels on refuse même la qualité de penseur : Calliclès, Thrasymaque….


I) Etiologie d’une descente aux Enfers

A) Les textes, sources et documents.

· Il y a très peu de textes : la plupart de temps ce sont des fragments, ou bien des « retransmissions » pour ne pas dire paraphrases d’autres auteurs, comme Diogène Laerce, Sextus Empiricus, pour les plus impartiaux et Platon et Aristote pour les partiaux-hostiles. D’où extrême difficulté de connaître la pensée. Nécessite un lourd travail de confrontation des sources. D’autant que l’Université s’est peu intéressée à la question.

· Pourquoi des fragments : la raison est simple. L’idéalisme de Platon a eu gain de cause. Michel Onfray l’a bien mis à jour au sujet de Démocrite, qui est le plus chanceux dans les rescapés du totalitarisme idéaliste, puisqu’il nous reste une grande quantité de texte. Platon eût aimé, s’il en avait eu les moyens supprimer ces rivaux et c’est ce que se sont chargés de faire ses disciples. Si bien que l’histoire moderne de la philosophie a été écrite comme Platon aurait aimé qu’elle le soit. Pour lui, il s’agit de lutter contre une pensée qui nie l’existence de la vérité, qui prétend que « l’homme est la mesure de toute chose ». Alors quand on soutient, comme Platon, que la Vérité existe, tout comme l’Etre, immuable, qu’elle est stable et immatérielle, que les sens sont trompeurs, et que « dieu est la mesure de toute chose », on a tout intérêt à faire disparaître ses contradicteurs sous peine de ne pas être crédible.

· Une autre hypothèse a été émise: la perte des ouvrages. Peu plausible pour des stars comme l’étaient les sophistes. Comme si aujourd’hui on perdait les films avec Brad Pitt.

· Une autre hypothèse postule que les sophistes en tant que prof, n’écrivaient rien, ou alors moins que les autres. En tout cas, qu’ils ne souciaient pas d’écrire pour la postérité…Que leur manuel avaient été compilés par Aristote dans son Art Rhétorique (Aristote, comme par hasard) et que du coup, l’anthologie de texte qu’il supposait était prise pour argent comptant. On cherche à excuser l’inexcusable, comme si en philosophie, il n’y avait pas de lutte pour la domination du discours. Là aussi c’est le plus fort qui gagne, en l’occurrence, Platon et Aristote.

· Le problème du fragment, c’est qu’on peut lui inventer un contexte et lui faire tout dire (vous me direz, c’est le propre de la rhétorique…), L’ironie : ceux là même qui prétendaient au Juste à l’Honnête l’ont emporté par les procédés les plus vils. On a brûlé les œuvres de Protagoras…

· Etat des lieux: Protagoras, rien ; Gorgias, chanceux : deux éloges qui ont été conservé (un éloge d’Hélène, qui avait causé la guerre de Troie), Prodicos, Hippias, Lycophoron…peu, Calliclès, pas.

B) Des prostitués de la connaissance…
Intéressés, dangereux, prostitués, métèques, démocrates...

· Passons à l’examen de la mauvaise réputation dont on affuble les sophistes. Que leur reproche-t-on ?

· Méfiance envers les intellectuels, les savants…En Grec, on les désignait souvent du terme de « deinos » qui signifie «terrible »ou « habile ». Chez l’orateur Démosthène, on trouve le terme associé à des insultes, une sorte d’homme qui prétend à un savoir supérieur.

· Ils sont comparés à des marchands de denrées dont l’âme se nourrit. On n’est pas loin de Faust et de la vente de son âme au diable.

· On leur reproche de vendre la sagesse aux Athéniens de bonne famille : ce qui dans la mentalité grecque venait naturellement, sans « technique ». Perversion des enfants de bonne famille. A qui l’on fournit des armes pouvant servir l’immoralité.

· Pas content non plus quand les sophistes forment des non-citoyens à devenir sophistes (comme Anitmoerus de Mende). Dans tous les cas, c’est de leur faute.

· « Chasseur rétribués de jeunes gens riches » à l’époque où Platon écrit le Sophiste.

· Xénophon les accuse d’être des maîtres d’imposture, à la fin de son traité sur la chasse.

· Quand on ne les accusait pas d’enseigner des techniques d’imposteur, on les accuse d’enseigner la vertu.

· Anytos, dirigeant athénien, sycophante de Socrate, prétend qu’ils sont des menaces pour la société.


· Sont intéressés par l’argent. On trouve cela chez Xénophon : « Ceux qui vendent leur sagesse contre de l’argent à quiconque le désire » dans la bouche de Socrate. Platon dit que Protagoras, l’un des premiers sophistes, a tiré plus d’argent de sa sophia que Phidias et dix autres sculpteurs réunis (pas mince…)

· On atteint le sommet quand Xénophon parle de prostitution, vendre son esprit n’étant guère meilleur que de vendre son corps dans la mentalité grecque : la sagesse était qqch qui devait être librement partagé entre amis ou amants.



· Ce sont pour la plupart des métèques, c'est-à-dire des non-citoyens, chargés d’enseigner l’art de la politique à de jeunes citoyens, et qui plus est itinérants (Timée) : Protagoras est d’Abdère, Gorgias est de Leontium, Hippias est de Elis, Prodicos est de Céos.

· Enfin, Platon, partisan de l’aristocratie, n’aime pas la pratique sophistique qui constitue la clé de voûte du système démocratique. On sait les accointances de Périclès le grand stratège athénien avec Portagoras, à qui il passe commande d’une législation de cité et avec qui il s’entretient en cas de dilemme.

· Aristophane, dans ses Nuées, les présente comme des gens malhonnêtes, fidèles à la réputation qu’ils ont de nos jours.


II) Un procès unilatéral

A) Examen des chefs d’accusations



a) Des voyous de leur époques


· Les chefs d’accusations ne résistent pas à l’analyse. Problème est que les sophistes n’ont jamais pu se défendre après leur mort et pour cause, n’ayant pas non plus d’Ecole à proprement parler capable de les défendre. Ils se sont défendus de leur vivant. Difficile après leur mort...



· On peut parler de révolution. Car, s’il n’y pas une conscience commune, il y a bien un comportement commun qui s’oppose aux traditions classiques.



· Avec les sophistes, on commence à sortir de la logique aristocratique pour rentrer dans une logique plus égalitaire, toute proportion gardée vis-à-vis de ce que nous appelons démocratie.



· Le savoir devient accessible à tous. (Contrairement à ce que dit Platon, il ne fallait pas briser sa tirelire à tous les coups. Parfois on pouvait se rendre au temple et laisser les dieux décider du prix, quand le disciple était trop pauvre.) "L’arète" devient une technique enseignable comme les autres arts : cordonnier, …Chacun a donc sa chance d’avoir accès à la politique. Que l’usage fait par la suite soit immoral est une autre question.



· L’immoralité n’est pas une tare irrémédiable comme elle semble l’être dans la conception grecque classique, dont Platon se fait l’écho : nous verrons par la suite que c’est la temporalité qui impose l’action en vue de l’efficacité et non des principes immuables, gravés de toute éternité dans le ciel des idées.



· Le relativisme (la vérité est relative) autorise une pratique tolérante dans les échanges d’idées. On peut dire n’importe quoi. Tout le monde peut s’exprimer, pourvu que ce soit bien dit, pour qu’on l’écoute.

b) ...époque qui, cependant, met au monde cette pensée de l’opposition

· Ce relativisme tire son origine aussi de l’élargissement de l’horizon par des contacts sans cesse plus nombreux avec d’autres peuples, à travers la guerre, les voyages, et la fondation des colonies – principale activité de l’Empire démocratique de Périclès. Cela devient plus évident que les coutumes et les de modes de vie considérés comme absolu et divin sont en fait de nature local et relative

· Histoire de Darius, racontée par Hérodote : le Roi perse fit venir à sa cour des Grecs et des Indiens. Les premiers brûlent leurs pères, les seconds les mangent.

· Euripide, dans son Andromaque, remarque que l’inceste est pratiqué par des non-grecs, qu’aucune loi n’interdit : un personnage dit : aucun comportement n’est honteux s’il n’apparaît pas ainsi à celui qui le pratique.

· D’autre part, le succès remporté par les Grecs sur les Barbares, les Perses (Salamine, Marathon…) donne une énorme confiance en soi : ils s’en sont tirés seuls, en particulier chez les Athéniens. Comme Thucydide le fait dire à un Athénien : c’est une loi de la nature qui fait que les plus forts agissent comme ils l’entendent et que les faibles laissent faire… Ces idées imprègnent donc la société grecque.

· Les réformes de Périclès sur les institutions athéniennes (l’archontat élargi aux classes inférieures, la boulè et les tribunaux populaires permettent aux citoyens les plus pauvres de participer à la vie publique -> cette situation encourage la croyance que les opinions des hommes se valent les unes les autres (mais problème de Mytilène et de Mélos : envoie de trirèmes, mise à mort ratée de peu, réussie dans un autre cas)

B) Le succès attire la jalousie

· Ainsi les sophistes, saisissant leur moment opportun, viennent occuper un espace laissé vacant en comblant les nouvelles exigences de la démocratie.

· D’où la rivalité et la jalousie – à prendre en considération dans l’élaboration de l’histoire - de la part des philosophes « classiques », comme Platon. Occupation de champ de pouvoir, comme l’a bien dit Bourdieu. La philosophie n’échappe pas à cela non plus. Il y a des luttes pour la prédominance philosophique (politique, morale,…)

· La dialectique, invention des sophistes : d’autre part, la méthode dialectique de Socrate dans les dialogues de Platon n’est pas sans faire penser aux antilogies des sophistes, du double discours. L’échange dialectique fonde la pratique sophistique.

· La rhétorique, aussi. On va y revenir, mais la question de savoir qui le premier a inventé le mot pose toujours problème : Platon ou les sophistes, et si c’est bien Platon qui a frappé le mot comme on frappe une pièce, il n’en demeure pas moins que depuis longtemps les sophistes avaient inventé le concept se contentant de parler de techniques, arts, oratoires.

· Il faut du courage pour se proclamer sophiste comme Protagoras le fait dans le dialogue éponyme de Platon. Soit dit en passant, le Platon qui est bien obligé de se servir d’eux pour se montrer. Comme si, pour se faire mousser, un auteur s’attachait à attaquer un philosophe-star, à écrire des dialogues mettant en scène ses propres victoires…heureusement aujourd’hui, on a le débat télévisé ou journal.

· Donc paradoxe des sophistes qui, tout en bénéficiant du succès de stars n’en non pas moins les inconvénients. En réalité, comme on va le voir, il y a une véritable pensée chez les sophistes.


III) Eloge des sophistes : univers sophistique, plutôt que pensée commune des sophistes

· On ne va pas rentrer dans le détail de la pensée de chacun de ces philosophes-voyous du Vème siècle avant JC, les sophistes. J’ai essayé pour vous, en préparant le cours de dégager des lignes de forces, pour tenter de sauver les sophistes, ce que je crois avoir réussi à faire.

· A ce propos, il est intéressant de noter que quand des universitaires ont essayé de sauver les sophistes, ils le font toujours en modifiant le sens de ce qu’ils ont dit : C’est ce que Schiappa essaye de faire, en disant que le fragment où le sophiste Protagoras se déclare indécis sur l’existence des dieux (presque athéisme, agnosticisme) on a presque une preuve qu’il y croit, bel exercice de rhétorique, mais pas très convaincant. Ou Romeyer et Romilly, qui se mettent en tête de quitter la part subversive de la pensée des sophistes. On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. La pensée nouvelle révolutionne et il y a toujours des conséquences. Les sophistes ne sont pas inoffensifs. Il s’agit de comprendre pourquoi leur pensée est vitale pour la construction d’une philosophie originale en ce début de XXIème siècle.

A) L’apparence

· Essayons de comprendre, en survol, les positions philosophiques de ces sophistes. L’apparence ne se définit pas par rapport à l’être, qui est mouvement, changement. L’apparence, chez les sophistes est identique à l’être. Comme le dira Nietzsche : s’il n’y a que des apparences, s’il n’y pas d’être, alors il n’y pas d’apparence.

· Donc l’apparence se suffit à elle-même, elle prend un caractère ontologique. Il s’agit de rentrer dans le lard des Eléates, de Parménide, qui place l’être comme unique et inchangeant, invisble pour les yeux. C’est ce qui fait que le sophiste est capable de soutenir une chose, puis son contraire : il sait qu’il n’y a que les apparences.

· Les sophistes vivent dans le monde de l’apparence, dans le pour autrui, par l’opinion : il importe d’avoir du succès, de plaire, de persuader par l’assemblage subtil de mot, une mélopée de propositions enchainées les unes aux autres.

· D’où le foyer de la pensée sophistique : le langage (d’ailleurs la cible de Platon et de toute la philosophie en général). Ce langage se définit socialement, la communication avec autrui, mais ce qui est communiqué importe vraiment : la pensée (sans parole, pas de pensée (confère le choix des mots de clément Rosset).

· D’où la rhétorique tient lieu d’ontologie. Le discours vrai : discours compris par l’autre, le discours persuasif. Voilà la vérité. La rhétorique ne peut être mensongère (ou seulement pour une pensée qui connaît l’être, dont les sophistes réfutent l’existence). Tout discours est faux, plus de discours vrais.

B) l’Etre et le néant



· Donc, ce qui fonde la rhétorique, l’art de persuader, c’est une ontologie sans être, non théorique, de la pratique du discours.

· Pour les sophistes, notamment Gorgias, dans son Traité du non-être : il n’y a rien, ni être, ni néant. Donc refus d’une philosophie de l’être (bien que les sophistes sachent qu’il y a des choses).

· Ce qui importe pour les sophistes : ce par quoi les choses interviennent pour l’homme : cela, c’est le langage. Le problème, et c’est ce que Platon ne manquera pas de relever l’ambiguité : on peut dire n’importe quoi. Et donc le correlat ontologique de l’habileté et du sens sophistique, c’est ce qui fournit a leur pratique, un sérieux inquiétant.

· Alors si il n’y pas d’être, que faire, puisqu’il faut bien une morale pratique, c’est le moment opportun, le kairos.


C) Le kairos

· En effet, l’instabilité de l’être renvoie au moment opportun. L’être, c’est l’occasion à prendre. C’est le sniper, ou le banquier, ou tout simplement l’orateur qui attend le bon moment pour parler. L’être prend de l’épaisseur grâce à la temporalité.

· Si l’être n’est pas toujours identique à lui-même, alors, il y a des moments où, selon ce qu’on désire en faire, les choses se présentent plus ou moins bien. Cela est particulièrement vrai dans le monde politique ou financier. On pourrait parler de l’élection du président…

· Partant, ce qui précède une action bien conduite, ce n’est pas une connaissance du domaine concerné (l’être), mais le sens de l’occasion : c'est-à-dire la manière d’être de l’être selon le temps.

· Le kairos : fixation à l’intérieur d’une temporalité privilégiée ; moment rare et fuyant où l’être, sans être égal à lui-même, s’égalise aux réquisits de la pratique humaine.

· L’idée est de saisir son kairos, ce soir, tout à l’heure au moment des questions…Cela est le secret du sophiste, un sens de l’occasion, une pré-voyance.

· Action réussie : « sens des choses », l’être c’est l’efficacité. Je vous donne finalement la clé pour prendre une décision.

D) la tromperie

· C’est le souci d’efficacité qui va justifier le thème de la tromperie universelle.

· Le souci du sophiste, n’est pas de dire le vrai, cela il s’en moque puisqu’il sait le vrai variable et changeant. Ce qui importe, c’est de persuader.

· Par exemple, ce qui soude une société : les croyances communes. D’où la question de la vraisemblance, pour les sophistes. Il faut que cela paraisse vrai, puisque, que ce soit vrai ou faux, le résultat est identique.

· Pour le sophiste, il s’agit donc de rendre efficace toute pratique : pas d’autre moyen d’agir sur les hommes que de leur faire croire ce qu’ils veulent croire.

· Est-ce tromper ? La rhétorique est la reine des sciences et des techniques, puisque sans elle, elles n’existeraient pas. Pas d’immoralité, puisque c’est l’occasion qui fait le larron, et avec elle l’opinion. Ex : pas immoral de gouverner par la tromperie, puisque celui qui gouverne selon le vrai est aussi un trompeur.

· Refus de la vérité : scepticisme, primat de l’action.

· Tout optimisme pratique se fonde sur un pessimisme théorique.



E) l’encyclopédisme

· Il y une sorte de retournement : si on peut tout dire, alors on peut tout savoir. Ex du sophiste Hippias, qui avait réponse à tout. Il s’appuie sur son expérience, sans jamais se compromettre dans une théorie du vrai.

· La science n’est pas systématique, car l’être n’a pas d’unité.

· Le savoir d’Hippias : la science à travers sa valorisation sociale. Tout savoir ou avoir réponse à tout, ce n’est pas connaître la vérité, c’est s’offrir à l’admiration des foules.

· Pour les sophistes le savoir, ce n’est pas « pénétrer des mystères », mais apprendre et travailler, dans une conception asse scolaire.

· Ce qu’on admire chez le sophiste : « comment a-t-il fait ? »



Conclusion : retour au sophistes, comme guides, pensées singulières et libres, débarrassées des contingences sociales et religieuses, qui proposent une philosophie vivable, pratique, réalisable, génératrice de plaisir et non idéaliste, impossible à mettre en œuvre, génératrice de souffrance et de contention.

Les sophistes ont donné de la vitalité aux valeurs de la Grèce, à ceci près qu’ils savaient que ces valeurs ne valaient rien en elle-même. (la valeur d’une valeur, c’est d’être accepté comme idée reçue).

Ce pragmatisme c’est que nous verrons s’incarner avec le premier sophiste, Protagoras. La fois prochaine.

samedi 13 octobre 2007

Introduction à l'histoire et aux méthodes de la géopolitique

Friedrich Ratzel

Jean Gottmann


Yves Lacoste

Paul Vidal de la Blache




Introduction

« Toute action politique est localisée quelque part à la surface du globe et se développe en fonction de conditions inhérentes à cette localisation dans l’espace » (Gottmann, 1952, 17).

La géographie est étroitement liée à la politique. Une de ses branches, la géopolitique, étudie le rapport entre l'espace géographique et la politique. L'intérêt pour la géopolitique a diminué après la deuxième guerre mondiale. Cependant, à la fin de la guerre froide, la globalisation et les nouvelles menaces pour la sécurité ont remis l'espace géographique au premier plan. Les concepts et les analyses géographiques deviennent ainsi essentiels aux citoyens. Le but de ce cours est d'offrir une introduction générale à la géopolitique en expliquant les conditions de son développement, en montrant ses méthodes et en proposant un cadre théorique général pour analyser le rapport entre l'espace et la politique.

Le terme de géopolitique désigne de nos jours tout ce qui concerne les rivalités de pouvoir ou d’influence sur des territoires et les populations qui y vivent : rivalités plus ou moins pacifiques ou violentes entre des pouvoirs politiques de toutes sortes, pas seulement des Etats, mais aussi au sein de la plupart d’entre eux entre des groupes armés plus on moins clandestins.
Ces rivalités s’exercent pour le contrôle ou la domination de territoires géographiques de grande dimension ou de petite taille. Le cas d’Israël et de la Palestine démontre que, depuis plus d’un demi siècle, un conflit peut être acharné et très grave quant à ses répercussions internationales.
Les rivalités de pouvoirs ou d’influence sont, en outre, motivées par des représentations, objectives ou subjectives.

Nous voyons donc que la géopolitique traite des rapports entre pouvoir (rapport symétrique ou dissymétrique qui s’instaure entre deux acteurs en relations) et territoire. Le territoire étant définit par Denis Retaillé comme l’interface entre l’espace et de la société avec un jeu de distances (Denis Retaillé, 1997):
A l'intersection de l'espace et de la société, le territoire s'impose […] comme la forme spécifique de cette rencontre. […] Je pars donc de l'hypothèse dominante selon laquelle le territoire est un support d'unité et d'identité, par l'exercice de la fonction politique. Unité et identité me rappellent la seule définition possible du lieu, la définition en compréhension par la propriété de la distance nulle. Le territoire n'est-il pas une forme spatiale de la société qui permet de réduire les distances à l'intérieur et d'établir une distance infinie avec l'extérieur, par-delà la frontière ? L'interrogation peut se simplifier encore dans la formule suivante : le territoire est-il un lieu ? "(p. 116).

Pour jean Gottmann, le territoire est le territoire du politique, il est définit à partir de deux autres notions : l’espace géographique et le cloisonnement. En outre, d’après Prévélakis (1996) : "Le "cloisonnement" est la résultante de la tension circulation / iconographies. L’"iconographie" est la “force de résistance au changement. Elle est faite de symboles et d'icônes. Sa matière première est donc culturelle. […] ce n'est pas son contenu qui compte mais sa fonction. Une iconographie joue le rôle d'un lien solide entre les membres d'une communauté ou encore entre la communauté et son territoire. Une iconographie est beaucoup plus coriace qu'une représentation territoriale.”

Le territoire est ainsi le produit du cloisonnement de l'espace géographique : “Dans le monde cloisonné de la géographie, l'unité politique, c'est le territoire. Que ce soit l'ensemble du territoire national d'un Etat, ou bien l'ensemble des terres groupées en une unité qui dépend d'une autorité commune et jouit d'un régime donné, le territoire est un compartiment d'espace politiquement distinct de ceux qui l'entourent.” (Gottmann, 1952).

La question du contrôle des territoires par les États est au fondement de la géographie politique dont Friedrich Ratzel à la fin du XIXe siècle a jeté les bases dans sa Politische Geographie . Si la géopolitique qui en est l'une des héritières a pu faire figure de science instrumentalisée par les intérêts contingents des pouvoirs, et singulièrement ceux de l’IIIe Reich nazi, l'une et l'autre posent la question fondamentale de l'appropriation étatique du territoire.
Aujourd'hui où des phénomènes majeurs englobés sous le terme générique de globalisation ou de mondialisation viennent cisailler les modalités traditionnelles d'appropriation des territoires par les divers pouvoirs étatiques, il n'est pas inintéressant de s'interroger sur les transformations des ces modalités traditionnelles. Il s'impose de revisiter des concepts fondateurs de la géographie politique qui sont reconfigurés par les effets de diverses révolutions économiques et technologiques en particulier celles de l'agriculture, des transports et de la communication.
Ainsi, l’approche classique tenait surtout à l’opposition politico-militaire entre grandes nations ou entre blocs. Trois transformations changent la situation.
La première est la globalisation de l’économie et des cultures. L’international devient une donnée générale. L’horizon d’un nombre croissant d’acteurs s’internationalise. Les entreprises, les ONG, les institutions publiques dédiées à la sécurité ou au développement économique. Même les Ministères y sont désormais confrontés.
La deuxième transformation est celle des instabilités, devenues multiformes : prolifération des technologies de destruction massive, conflits ethniques, fondamentalismes religieux, crime organisé, cyber-délinquance etc.
La troisième tient à des modalités de gestion des crises et des territoires d’une complexité inédite. La variété des formes d’instabilité, qui peuvent se conjuguer sur certains territoires en ce qu’Alain Joxe appelle " crises systémiques " (mise en résonnance d’une série d’antagonisme différents, directeurs, d’environnement et résiduels, Bauchard, 1981), appelle des réponses publiques elle-même systémiques qui vont au-delà du seul ressort d’un Etat-nation (notions de gouvernance et de gestion des risques).

Dans cette longue épistémologie de la géopolitique, des auteurs pré-modernes, jusqu’aux penseurs contemporains, le fait que l'environnement influence d'une façon ou d'une autre l'existence humaine fut admis dès l'Antiquité et doit l'être encore de nos jours.
Mais la différence entre les premiers écrits géopolitiques et ceux d'aujourd'hui s'enracine dans la distinction entre l’idée d’un homme:
· gouverné par la nature ;
· limité par la nature ;
· affranchi de la nature.

C’est donc entre ces trois paradigmes que les théories géopolitiques vont osciller.
Ainsi, dans un premier temps, nous passerons d’un déterminisme géographique, courant d’Aristote à Ratzel, au possibilisme de Paul Vidal de la Blache.
Puis après la seconde guerre mondiale, nous verrons apparaître un déterminisme économique et idéologique (affrontement des blocs), ou historique plus récemment avec Huntington.
La géopolitique que je défends est possibiliste, elle n’enferme personne dans une posture a priori et prend en compte l’espace géographique comme une contrainte, une donnée, qui est sans cesse à relativiser. Elle s’inspire de la théorie du cloisonnement de l’espace de Jean Gottmann.

Epistémologie de la géopolitique : les grands penseurs géopolitiques

Antiquité: Hérodote et Aristote

A la renaissance : Bodin et Vauban

Au XIXe siècle:
Ratzel (1844-1904) et la Géographie Politique
Halford J. Mackinder (1861-1947) : la théorie du pivot
Alfred Mahan (1840-1904) : le chantre de la puissance navale
Paul Vidal de la Blache (1845-1918) : la géographie régionale
Karl Haushofer (1869-1946) : le temps des hégémonies
Spykman (1893-1943) : l’importance des franges continentales

Disparition et renaissance de la géopolitique

Les méthodes de la géopolitique

Les différents niveaux d’analyse spatiale : la dialectique des échelles.
Grande et petite échelle.
Les ensembles spatiaux
Six ordres de grandeur
Les intersections d’ensembles
Les diatopes
Les comparaisons
Les échelles temporelles :
Les représentations

La théorie du cloisonnement de l’espace, ou la pertinence des travaux de Jean Gottmann dans le monde d'aujourd'hui

L'espace géographique et sa division
Le potentiel de la circulation
L'invention de l'iconographie
L’iconographie est-elle un mécanisme de défense ?
Les idées de Jean Gottmann et guerre froide
La mondialisation comme la circulation généralisée
La question européenne, un dilemme iconographique.


Conclusion

Après une période de mondialisation rapide, les effets de la déstabilisation de la circulation commencent à devenir évidents. La résistance à la circulation se développe d'abord chez ceux qui perdent dans la mondialisation. Mais les effets de déstabilisation globaux se font sentir et menacent même les « gagnants » du jeu, de plus en plus les voix plaident en faveur de limiter la circulation et exigent de modérer la mondialisation.
Ainsi, nous ne devrions pas être étonnés si l’humanité, après ses grandes avances dans la circulation se pendant les décennies passées, commence maintenant à établir des obstacles au mouvement, et à développer des défenses iconographiques contre la déstabilisation.

Contrairement à l'idée que la mondialisation continuera indéfiniment, les idées de Jean Gottmann mènent à la prévision que nous entrerons bientôt dans une nouvelle période caractérisée par le protectionnisme, la xénophobie et la constitution des blocs régionaux, probablement antagonique économiquement et politiquement. Une nouvelle carte politique du monde est en fabrication.
L'Europe est l'une des questions principales de la conception de la carte du monde. Les défis de l'intégration européenne sont également clarifiés par l'utilisation des concepts de Gottmann.
La question de l'iconographie est donc la question européenne la plus critique des prochaines années. Pour cette raison, la discussion autour de l'identité européenne commence à se développer fortement, notamment autour du cas de la Turquie. Il n'y a aucune réponse facile à cette question puisque l'histoire européenne est caractérisée par un héritage très fort des iconographies nationales, qui sont moins les malléables de tous. La question européenne est, en conclusion, une question de division de l'espace géographique. Les Européens participent à la redéfinition de la carte politique du monde de la 21ème.

mardi 9 octobre 2007

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Séminaire n.1 de la Géopolitique de la Méditerrannée: épistémologie de la géopolitique

Cette semaine, vendredi 12 octobre à 19h00, Mehdi Lazar animera son premier séminaire sur la “ Géopolitique de la Méditerranée ”.

Le sujet du cours est: “Epistémologie de la géopolitique”.

La géographie est étroitement liée à la politique. Une de ses branches, la géopolitique, étudie le rapport entre l'espace géographique et la politique. L'intérêt pour la géopolitique a diminué après la deuxième guerre mondiale. Cependant, à la fin de la guerre froide, la globalisation et les nouvelles menaces multiformes ont remis l'espace géographique au premier plan. Les concepts, méthodes et les analyses géopolitiques deviennent ainsi essentiels aux citoyens. Le but de ce cours est d'offrir une introduction générale à la géopolitique en expliquant les conditions de son développement, en montrant ses méthodes et en proposant un cadre théorique général pour analyser le rapport entre l'espace géographique et la politique.
Afin de préparer le cours, Mehdi vous invite à réfléchir à la question suivante : De Aristote à Yves Lacoste, sur quels concepts géographiques s’est construit la réflexion géopolitique ?