samedi 13 octobre 2007

Introduction à l'histoire et aux méthodes de la géopolitique

Friedrich Ratzel

Jean Gottmann


Yves Lacoste

Paul Vidal de la Blache




Introduction

« Toute action politique est localisée quelque part à la surface du globe et se développe en fonction de conditions inhérentes à cette localisation dans l’espace » (Gottmann, 1952, 17).

La géographie est étroitement liée à la politique. Une de ses branches, la géopolitique, étudie le rapport entre l'espace géographique et la politique. L'intérêt pour la géopolitique a diminué après la deuxième guerre mondiale. Cependant, à la fin de la guerre froide, la globalisation et les nouvelles menaces pour la sécurité ont remis l'espace géographique au premier plan. Les concepts et les analyses géographiques deviennent ainsi essentiels aux citoyens. Le but de ce cours est d'offrir une introduction générale à la géopolitique en expliquant les conditions de son développement, en montrant ses méthodes et en proposant un cadre théorique général pour analyser le rapport entre l'espace et la politique.

Le terme de géopolitique désigne de nos jours tout ce qui concerne les rivalités de pouvoir ou d’influence sur des territoires et les populations qui y vivent : rivalités plus ou moins pacifiques ou violentes entre des pouvoirs politiques de toutes sortes, pas seulement des Etats, mais aussi au sein de la plupart d’entre eux entre des groupes armés plus on moins clandestins.
Ces rivalités s’exercent pour le contrôle ou la domination de territoires géographiques de grande dimension ou de petite taille. Le cas d’Israël et de la Palestine démontre que, depuis plus d’un demi siècle, un conflit peut être acharné et très grave quant à ses répercussions internationales.
Les rivalités de pouvoirs ou d’influence sont, en outre, motivées par des représentations, objectives ou subjectives.

Nous voyons donc que la géopolitique traite des rapports entre pouvoir (rapport symétrique ou dissymétrique qui s’instaure entre deux acteurs en relations) et territoire. Le territoire étant définit par Denis Retaillé comme l’interface entre l’espace et de la société avec un jeu de distances (Denis Retaillé, 1997):
A l'intersection de l'espace et de la société, le territoire s'impose […] comme la forme spécifique de cette rencontre. […] Je pars donc de l'hypothèse dominante selon laquelle le territoire est un support d'unité et d'identité, par l'exercice de la fonction politique. Unité et identité me rappellent la seule définition possible du lieu, la définition en compréhension par la propriété de la distance nulle. Le territoire n'est-il pas une forme spatiale de la société qui permet de réduire les distances à l'intérieur et d'établir une distance infinie avec l'extérieur, par-delà la frontière ? L'interrogation peut se simplifier encore dans la formule suivante : le territoire est-il un lieu ? "(p. 116).

Pour jean Gottmann, le territoire est le territoire du politique, il est définit à partir de deux autres notions : l’espace géographique et le cloisonnement. En outre, d’après Prévélakis (1996) : "Le "cloisonnement" est la résultante de la tension circulation / iconographies. L’"iconographie" est la “force de résistance au changement. Elle est faite de symboles et d'icônes. Sa matière première est donc culturelle. […] ce n'est pas son contenu qui compte mais sa fonction. Une iconographie joue le rôle d'un lien solide entre les membres d'une communauté ou encore entre la communauté et son territoire. Une iconographie est beaucoup plus coriace qu'une représentation territoriale.”

Le territoire est ainsi le produit du cloisonnement de l'espace géographique : “Dans le monde cloisonné de la géographie, l'unité politique, c'est le territoire. Que ce soit l'ensemble du territoire national d'un Etat, ou bien l'ensemble des terres groupées en une unité qui dépend d'une autorité commune et jouit d'un régime donné, le territoire est un compartiment d'espace politiquement distinct de ceux qui l'entourent.” (Gottmann, 1952).

La question du contrôle des territoires par les États est au fondement de la géographie politique dont Friedrich Ratzel à la fin du XIXe siècle a jeté les bases dans sa Politische Geographie . Si la géopolitique qui en est l'une des héritières a pu faire figure de science instrumentalisée par les intérêts contingents des pouvoirs, et singulièrement ceux de l’IIIe Reich nazi, l'une et l'autre posent la question fondamentale de l'appropriation étatique du territoire.
Aujourd'hui où des phénomènes majeurs englobés sous le terme générique de globalisation ou de mondialisation viennent cisailler les modalités traditionnelles d'appropriation des territoires par les divers pouvoirs étatiques, il n'est pas inintéressant de s'interroger sur les transformations des ces modalités traditionnelles. Il s'impose de revisiter des concepts fondateurs de la géographie politique qui sont reconfigurés par les effets de diverses révolutions économiques et technologiques en particulier celles de l'agriculture, des transports et de la communication.
Ainsi, l’approche classique tenait surtout à l’opposition politico-militaire entre grandes nations ou entre blocs. Trois transformations changent la situation.
La première est la globalisation de l’économie et des cultures. L’international devient une donnée générale. L’horizon d’un nombre croissant d’acteurs s’internationalise. Les entreprises, les ONG, les institutions publiques dédiées à la sécurité ou au développement économique. Même les Ministères y sont désormais confrontés.
La deuxième transformation est celle des instabilités, devenues multiformes : prolifération des technologies de destruction massive, conflits ethniques, fondamentalismes religieux, crime organisé, cyber-délinquance etc.
La troisième tient à des modalités de gestion des crises et des territoires d’une complexité inédite. La variété des formes d’instabilité, qui peuvent se conjuguer sur certains territoires en ce qu’Alain Joxe appelle " crises systémiques " (mise en résonnance d’une série d’antagonisme différents, directeurs, d’environnement et résiduels, Bauchard, 1981), appelle des réponses publiques elle-même systémiques qui vont au-delà du seul ressort d’un Etat-nation (notions de gouvernance et de gestion des risques).

Dans cette longue épistémologie de la géopolitique, des auteurs pré-modernes, jusqu’aux penseurs contemporains, le fait que l'environnement influence d'une façon ou d'une autre l'existence humaine fut admis dès l'Antiquité et doit l'être encore de nos jours.
Mais la différence entre les premiers écrits géopolitiques et ceux d'aujourd'hui s'enracine dans la distinction entre l’idée d’un homme:
· gouverné par la nature ;
· limité par la nature ;
· affranchi de la nature.

C’est donc entre ces trois paradigmes que les théories géopolitiques vont osciller.
Ainsi, dans un premier temps, nous passerons d’un déterminisme géographique, courant d’Aristote à Ratzel, au possibilisme de Paul Vidal de la Blache.
Puis après la seconde guerre mondiale, nous verrons apparaître un déterminisme économique et idéologique (affrontement des blocs), ou historique plus récemment avec Huntington.
La géopolitique que je défends est possibiliste, elle n’enferme personne dans une posture a priori et prend en compte l’espace géographique comme une contrainte, une donnée, qui est sans cesse à relativiser. Elle s’inspire de la théorie du cloisonnement de l’espace de Jean Gottmann.

Epistémologie de la géopolitique : les grands penseurs géopolitiques

Antiquité: Hérodote et Aristote

A la renaissance : Bodin et Vauban

Au XIXe siècle:
Ratzel (1844-1904) et la Géographie Politique
Halford J. Mackinder (1861-1947) : la théorie du pivot
Alfred Mahan (1840-1904) : le chantre de la puissance navale
Paul Vidal de la Blache (1845-1918) : la géographie régionale
Karl Haushofer (1869-1946) : le temps des hégémonies
Spykman (1893-1943) : l’importance des franges continentales

Disparition et renaissance de la géopolitique

Les méthodes de la géopolitique

Les différents niveaux d’analyse spatiale : la dialectique des échelles.
Grande et petite échelle.
Les ensembles spatiaux
Six ordres de grandeur
Les intersections d’ensembles
Les diatopes
Les comparaisons
Les échelles temporelles :
Les représentations

La théorie du cloisonnement de l’espace, ou la pertinence des travaux de Jean Gottmann dans le monde d'aujourd'hui

L'espace géographique et sa division
Le potentiel de la circulation
L'invention de l'iconographie
L’iconographie est-elle un mécanisme de défense ?
Les idées de Jean Gottmann et guerre froide
La mondialisation comme la circulation généralisée
La question européenne, un dilemme iconographique.


Conclusion

Après une période de mondialisation rapide, les effets de la déstabilisation de la circulation commencent à devenir évidents. La résistance à la circulation se développe d'abord chez ceux qui perdent dans la mondialisation. Mais les effets de déstabilisation globaux se font sentir et menacent même les « gagnants » du jeu, de plus en plus les voix plaident en faveur de limiter la circulation et exigent de modérer la mondialisation.
Ainsi, nous ne devrions pas être étonnés si l’humanité, après ses grandes avances dans la circulation se pendant les décennies passées, commence maintenant à établir des obstacles au mouvement, et à développer des défenses iconographiques contre la déstabilisation.

Contrairement à l'idée que la mondialisation continuera indéfiniment, les idées de Jean Gottmann mènent à la prévision que nous entrerons bientôt dans une nouvelle période caractérisée par le protectionnisme, la xénophobie et la constitution des blocs régionaux, probablement antagonique économiquement et politiquement. Une nouvelle carte politique du monde est en fabrication.
L'Europe est l'une des questions principales de la conception de la carte du monde. Les défis de l'intégration européenne sont également clarifiés par l'utilisation des concepts de Gottmann.
La question de l'iconographie est donc la question européenne la plus critique des prochaines années. Pour cette raison, la discussion autour de l'identité européenne commence à se développer fortement, notamment autour du cas de la Turquie. Il n'y a aucune réponse facile à cette question puisque l'histoire européenne est caractérisée par un héritage très fort des iconographies nationales, qui sont moins les malléables de tous. La question européenne est, en conclusion, une question de division de l'espace géographique. Les Européens participent à la redéfinition de la carte politique du monde de la 21ème.

Aucun commentaire: