lundi 25 février 2008

Antimanuel de littérature

Antimanuel de littérature française:


Cours 1: "Pour un Moyen-Âge humaniste"




Le Moyen-Âge semble cristalliser les malentendus : siècles obscures, périodes troubles, zones infernales, la pensée et la littérature auraient alors marqué un temps d'arrêt. En réalité, il n'en est rien : poètes et auteurs n'ont peut-être jamais été aussi libres qu'en ces temps maudits, ou l'on peut écrire "beaucoup de choses".


Villon, Chrétien de Troyes, Rutebeuf, autant de noms qui fonctionnent comme symboles d'un "humanisme moyenâgeux".


Je vous donne donc rendez-vous ce jeudi 28 février à 19h30, pour notre première séance de littérature française.

mardi 12 février 2008

Géopolitique VII : Intervention de Pascal Lepesqueux sur la question francophone en Louisiane



Vendredi 18 février à 19 h 30 à l'Ecole Internationale de Boston


Au recensement de 2000, ce sont encore près de 200 000 Louisianais qui ont déclaré parler français à la maison. Principale communauté francophone endogène des USA, désormais célébrée tant par sa musique, son sens de la fête, sa littérature, ce groupe culturel unique et original n'a pas toujours bénéficié d'une telle aura. Longtemps considéré comme par les « Américains » tantôt comme des rétrogrades décadents, tantôt comme des paysans arriérés, il suffit de lire les ouvrages de George Washington Cable (Les Grandissimes, Old Creole Days…) ou, plus récemment, de regarder le film Southern Comfort de Walter Hill pour s'en convaincre, les Louisianais francophones ont voulu réagir au déclin de leur langue et de leur culture en, justement, jouant sur ce qui les différenciait et tenter de reconstruire cette fierté ethnique et communautaire qui leur avait été longtemps confisquée.


Mais derrière cette apparente réussite se cachent une complexité et des tensions qui n'ont été que récemment révélées au grand public par les conséquences de l'ouragan Katrina.
Quelles sont les fondements de l'originalité louisianaise ? Quels sont les enjeux sociaux et économiques qui orientent la politique d'aménagement linguistique en Louisiane ? Enfin, que peut-on prédire pour l'avenir d'une langue, fragilisée par le vieillissement de sa population et menacée par ce que Cécyle Trépanier appelle la « commercialisation de la culture » ? Voici les questions auxquelles nous réfléchiront vendredi soir.


Trépanier, Cécyle, La Louisiane française au seuil du XXIe siècle: la commercialisation de la culture,
in Gérard Bouchard (dir.), La construction d'une culture: le Québec et l'Amérique française, 1993, Sainte-Foy,
Les Presses de l'Université Laval, pp. 361-394.

lundi 11 février 2008

La minute de l'Up Boston : Sun Tzu et l'invention de la géostratégie - Lundi 11 février 2008


Intervention de Mehdi L.

Lundi 11 février 2008 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de Sun Tzu en inventeur de la géostratégie


http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/sun_tzu.zip

La minute de l'Up Boston : Prodicos - Lundi 04 février 2008

Intervention d'Olivier Saint-Vincent dans le cadre de son "Histoire de la philosophie dangereuse"
Lundi 04 février 2008 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de Prodicos de Céos, le philosophe à la fourrure

http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/Up_minute_Prodicos.aac

La minute de l'Up Boston : Thucydide - Lundi 14 janvier 2008




Intervention d'Olivier Saint-Vincent dans le cadre de son "Histoire de la philosophie dangereuse"
Lundi 14 janvier 2008 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de thucydide, le réaliste tragique

http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/thucydide_en_philosophie.zip



La minute de l'Up Boston : Socrate - Lundi 17 décembre 2008




Intervention d'Olivier Saint-Vincent dans le cadre de son "Histoire de la philosophie dangereuse"
Lundi 17 décembre 2007 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de Socrate en trancheur de gorges

http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/Socrate_tranchait_des_gorges.zip

La minute de l'Up Boston : Gorgias - Lundi 03 décembre 2008




Intervention d'Olivier Saint-Vincent dans le cadre de son "Histoire de la philosophie dangereuse"
Lundi 03 décembre 2007 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de Gorgias et la rhétorique du fantôme

http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/Socrate_tranchait_des_gorges.zip

La minute de l'Up Boston : Protagoras et Hérodote, les lundis 19 et 26 novembre 2007

Hérodote

Protagoras


Intervention d'Olivier Saint-Vincent dans le cadre de son "Histoire de la philosophie dangereuse"

Lundi 19 novembre 2007 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait de Protagoras, le philosophe au javelot

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Intervention de Mehdi L. du Lundi 26 novembre 2007 sur WMBR 88.1 FM

Lundi 26 novembre 2007 sur WMBR 88.1 FM, dans l'émission "French Toast"

Portrait d'Hérodote

http://sd-1.archive-host.com/membres/up/34955740041349362/french_toast.zip



dimanche 10 février 2008

Géopolitique de la Méditerranée VI :Cosa Nostra, une géopolitique du crime









Gorgias (de Leontium, Sicile) : « rien n’existe » surtout pas Cosa Nostra comme dirait le capo dei tutti capi Riina
(http://www.youtube.com/watch?v=o02XJ12E0Mo&feature=related)

Don Vito Corleone : « Je vais te faire une proposition que tu ne pourras pas refuser »

Ces deux citations illustrent deux dimensions fondamentales de l’activité mafieuse :

1. Les règles rigides et notamment la loi du silence


2. L’échange de service obligatoire, à la base des deux activités de base de Cosa Nostra, la violence et le marché

A noter que ces deux siciliens sont en fait des émigrés, faisant partie de la diaspora, qui met en avant l'importance de l'espace dans ce cours et, dans ces deux cas, celui du réseau.

Est-ce que la mafia existe, pour répondre à ce que nous dit Gorgias?

Introduction : Les activités mafieuses

En 1986, 475 associés de Cosa Nostra sont mis en cause tous ensembles au cours du « Maxi-procès » de Palerme. 344 d’entre eux sont condamnés à 2 655 années cumulées de prison pour appartenance à l’organisation mafieuse ou pour trafic de drogue. Les 8 607 pages de l’acte d’accusation démontrent pour la première fois l’existence de l’organisation mafieuse sicilienne - jusqu’alors controversée voire niée - et son engagement dans le trafic international de drogue.

Qu’est ce qu’une mafia ? Une mafia est une société secrète fondée sur les liens du sang, donc ne famille de pouvoir qui a une assise territoriale forte et un réseau étendu.

Ces familles de pouvoir reposent sur des valeurs et des comportements particuliers, elles sont cloisonnées et dépendent de règles qu’on ne transgresse qu’au péril de sa vie.

En outre, toute mafia nait sur un vide de pouvoir et lorsque ce pouvoir, les Etats se mettent en place, elle lui fait concurrence pour le contrôle des territoires == > Une mafia est un Etat dans l’Etat avec ses sujets, sa hiérarchie, sa morale, ses impôts, ses lois et ses forces armées.

Quatre organisations basées en Italie sur la dizaine que compte le monde répondent à l’appellation de « mafia »: la 'Ndrangheta en Calabre, la Sacra Corona Unita dans les Pouilles, la Camorra en Campanie, et la Cosa Nostra, basée en Sicile, considérée comme l'organisation criminelle la plus importante d'Europe. Outre l’Italie, elle a des ramifications en Allemagne, en France, en Suisse, en Grande-Bretagne, en Russie, au Canada et aux USA. Déjà célèbre pour ses activités criminelles, elle a déclenché un vaste mouvement d'opposition en Italie à la suite des attentats contre les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.

Quelles remarques préliminaires sur la mafia en général et la Cosa Nostra en particulier :

1. La mafia a une assise territoriale stricte mais tend à étendre ses activités spatialement en réseau ==> La mafia est donc un acteur territorial ==> elle produit du territoire (cf. Colette Vallat)
2. Origine de la mafia dans les années 1860 lors constitution nation italienne et la fin de la féodalité et des profits faramineux du commerce de citrons ==> vide de pourvoir et se pose en alternative, tout en mettant en place des structures de prédations de l’économie

Relation très forte en le pouvoir et le territoire : c’est en ce sens qu’il s’agit de géopolitique, des relations de pouvoir sur des territoires

Quelles sont les caractéristiques des activités mafieuses :

Celles-ci peuvent être classées selon la typologie suivante :
1) structurelles : directement liées au contrôle du territoire et donc à la conservation de l’organisation – racket le « pizzo », extorsion, usure, pillage du système socio-économique local public ou privé, ce sont les activités originelles

2) contingentes : liées à des conditions spécifiques qui parfois favorisent et abritent certains activités très rémunératrices : - contrebande de produits licites (tabac, déchets, armes) trafic de produits illicites (drogue, armes de guerre), délits de prédation (enlèvements, vol de troupeaux, vols), contrefaçon, fausse monnaie, machines à sous, paris clandestins, etc. ce sont les activités celles qui ont permis le développement, notamment la drogue et la fortune de Cosa Nostra depuis les années 30’s et Lucky Luciano

3) instrumentales : complémentaires par rapport aux deux autres catégories ou liées au fonctionnement de l’organisation - homicides, corruption, blanchiment d’argent et investissement de capitaux dans l’économie licite, ce sont les activités qui tendent à se développer


Je tenterai donc ce soir de saisir la mafia comme un objet historique, culturel et géographique , le tout formant une approche géopolitique

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I. HISTOIRE DE LA COSA NOSTRA
II. LES VALEURS MAFIEUSES
III. LES REGLES DE L’ORGANISATION MAFIEUSE
IV. LA RELATION POUVOIR – TERRITOIRE : LES INTERPRETATIONS DU COMPORTEMENT MAFIEUX


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Conclusion :

La question de la responsabilité individuelle: malgré la théorie de la sous-culture des anthropologues, elle n’est utile que pour comprendre la fonctionnement de Cosa Nostra, tel que le fait Falcone mais non pour en excuser les comportements

La mafia : des familles de pouvoir liées à des territoires ==> Nous avons vu que La Cosa Nostra a pour caractéristique son pouvoir territorial dont l’expression la plus pure est l’extorsion, ainsi la longévité de la mafia est directement liée à sa capacité à s’organiser et à utiliser l’espace. Le succès de Cosa Nostra s’explique par son assise territorial, stable dans le temps qui lui a permis de se développer et de se poser en alternative comme détenteur d’une violence légitime.

De même, son succès dans le trafic de drogue s’explique par son contrôle du territoire sicilien, par l’efficacité du réseau qui a été mis en place dès les années 1920, basé sur la diaspora et enfin, par le haut niveau de protection politique dont l’organisation jouit.

Selon les estimations de Confcommercio, aujourd’hui, en Italie, le volume d’affaires de la criminalité serait supérieur à 150 milliards d’Euros (entre 15 et 20% du PIB) et les organisations criminelles contrôleraient environ 20% des structures opérant dans le secteur commercial et des services, ainsi que 15% des entreprises de manufacture. Nous voyons donc que l’ampleur de l’emprise de la mafia sur l’économie Italienne est considérable, je vous propose de voir quelles en sont les caractéristiques lors du prochain séminaire qui aura pour thème l’économie mafieuse en Italie

mercredi 6 février 2008

Géopolitique de la Méditerranée cours VI


Vendredi 8 Février à 19h30
Cosa Nostra : une géopolitique du crime




Synopsis :


Au cours du XXe siècle, Cosa Nostra, originaire de la région palermitaine, est devenu un acteur géopolitique d’envergure. Avec plus de 5000 hommes d’honneurs, elle a acquis la qualité de paradigme explicatif pour nombre de phénomènes criminels (Muti, 2004). Or, il n’en a pas toujours été ainsi car c’est seulement en 1986, au cours du « Maxi-procès » de Palerme, que la présence et l’étendue de cette « société secrète » apparut pour la première fois aux yeux de tous.

Nous pouvons donc légitimement nous demander pourquoi il a fallu plus d’un siècle pour que son existence cesse d’être niée ? Serait-ce à cause des types de pouvoirs qu’elle exerce ou de ses valeurs ? Et surtout quelle stratégie territoriale donne à la Cosa Nostra sa dimension géopolitique majeure et la différencie des organisations criminelles classiques ? Autant de questions, relevant, comme le dit Umberto Santino, du « paradigme de la complexité » (Santino, 1995) et auxquelles nous tenterons de répondre vendredi soir.



Les rendez-vous de Schoenhof's II



En 2008, l’équipe de l’Université Populaire de Boston vous donne rendez-vous une fois par mois, à la librairie Schoenhof's, 76A Mount Auburn Street, Cambridge, MA 02138, à 11h00, pour une synthèse mensuelle des séminaires de l’UP Boston.


Ce samedi 09 février, l’équipe des professeurs de l’UP s’intéressera au sujet suivant :« Le terrorisme, déconstruction de la destruction». Le cours sera suivi d’une discussion.

mardi 5 février 2008

Les figures du philosophe-voyou, pour une histoire dangereuse de la philosophie


Cours 7 : Prodicos, le philosophe à la fourrure


Introduction :

A) Rappel :

· La semaine dernière nous avons découvert le philosophe Antiphon d’Athènes et sa philosophie dérangeante. Antiphon situait dans une opposition in-déliable la nature de l’homme et les lois, produits de la culture. La première se donnait alors comme liberté, douceur et plaisir. La seconde comme aliénation, entrave à une vie heureuse et bien vécue, soumission à un ordre injuste.

· On avait examiné avec soin la transvaluation des valeurs : ce qui est donné comme juste et honnête n’est en réalité que conventions artificielles et artificieuses génératrices de souffrances et de douleurs. Les juges, des incarnations de la perversité des lois. La justice officielle des tribunaux engendre l’injustice en donnant la part égale au meurtrier et à la victime, censés tous deux prouver leur innocence. Dans ces conditions, c’est la parole travaillée et stylisée qui départage, non les faits. Le mensonge rhétorique contre la réalité vécue. Le sophiste/avocat comme créateur de réalité/apparence.

· Antiphon, conscient de l’impossibilité de s’arracher définitivement aux lois, donc à la souffrance, dans un mouvement de réalisme tragique, proposait quelques remèdes à cette maladie : sur l’ordonnance du médecin Antiphon, l’amitié, vécue sur le mode du partage et du vase communiquant.

· Mais aussi la psychanalyse : Antiphon invente, en même temps qu’il les développe, les prémisses d’une thérapie de l’âme et du corps. Il s’agit, au moyen de l’interprétation des rêves, sur un mode rationnel (artificiosa, artificialis) et du traitement des chagrins par l’invention de néologismes, de supprimer les souffrances psychologiques sources d’autres douleurs d’ordre psychosomatiques.

· On avait vu la force du système philosophique antiphonien : à l’image de la matière (l’arrythmiston), la nature reprend toujours le dessus sur la culture. Le sophiste, le philosophe-voyou est là pour aider le disciple à franchir le pas d’un hors-la-loi bien vécu, au profit d’une existence immédiate où l’argent par exemple (le mot tabou des philosophes) permet d’améliorer son quotidien. Une existence qui a pour but le plaisir, plutôt que la douleur.

B) Prodicos de Céos

· Il était donc normal que notre itinéraire renégat de la philosophie classique nous mène vers un penseur qui, lui aussi, à sa manière a été hédoniste – mais toujours sophiste et dangereux, et je vais suivre là, dans bien des occurrences, des développements avancés par mon maître (bien qu’il se dédise de cet état à chaque fois que je lui en fais mention) Michel Onfray en janvier 2003 dans ses cours de l’Up de Caen.

· Avant de rentrer dans la vie de Prodicos de Céos, je voudrais m’arrêter un instant sur le terme « hédoniste » et sur son étymologie. Le mot vient du grec « ήδονή », qui signifie plaisir. L’idée est de donner le plaisir comme but à l’existence. Le lieu commun que je voudrais battre en brèche est celui qui identifie l’hédoniste avec le dépravé, le débauché, le libertin. Il y a un « sens », sans jeu de mots, des plaisirs des sens, qui fait que l’on ne peut s’immerger jusqu’à plus soif dans les plaisirs, sans générer de la douleur. Michel Onfray développe cela (40 livres) : l’homme de plaisir est homme de mesure. Le libertin côtoie l’ascète.

· Les philosophes dangereux ne sont pas toujours hédonistes, mais souvent. La séance de ce soir va nous permettre de clarifier les enjeux qui existent entre les deux pensées, pourquoi, comment elles se distinguent.

· Ce que l’on sait de la vie de Prodicos de Céos nous vient de Platon. Contrairement à bon nombre de sophistes, il a une bonne « mauvaise réputation », pour reprendre les mots de Michel Onfray. C'est-à-dire que Platon le fait apparaître régulièrement dans ses dialogues pour lui donner un rôle honorable : dans le Protagoras, il joue aux arbitres entre Protagoras et Socrate. Ailleurs, Socrate, dans un élan méprisant, soutient qu’il lui refile des disciples quand il ne peut plus rien en tirer… Encore une fois, vous commencez à en avoir l’habitude, c’est mystérieux, quelques brisures et bribes pour re-construire une philosophie, c’est maigre.

· Enfin, la tradition philosophique a tout fait pour ne pas le présenter comme un philosophe dangereux et hédoniste, mais comme un penseur sec et sévère, austère et ascétique. On verra pourquoi justement il ne l’est pas. L’idée, pour la tradition, dans ces cas là, est de récupérer des intellectuels pour venir grossir les rangs de l’idéalisme et des partisans du nomos, des adorateurs des pulsions de mort et des adeptes du dolorisme. Rhétoriquement, c’est habile : on ne rejette pas tout en bloc, on trouve des exceptions qui confirment la règle.

· L’Eglise aussi n’a-t-elle pas brûlé Prodicos, bien qu’elle eût dû, à mon sens : un certain fragment de Prodicos, rapporté par Xénophon, a pu servir de démonstration du genre de vie à adopter en tant que chrétien ; organisant ainsi le passage du monde païen au monde chrétien.

· Prodicos est né dans une île des Cyclades, Céos, (encore un métèque). On ignore sa date de naissance : on la place communément vers 470-460. Donc il est plus jeune que notre cher Protagoras, dont il a suivi les cours. Savant et habile dans l’art de parler, il est envoyé par sa Cité natale comme ambassadeur à Athènes, où il est très apprécié par l’Assemblée du peuple. Il a donné des leçons et des conférences à Athènes, de telle sorte qu’il s’est attiré la gloire. Il est aussi itinérant et se produit dans plusieurs cités grecques. Donc un sophiste, qui jusque là n’est guère si différent qu’un Gorgias, par exemple.

· Ce qui va le démarquer des autres, c’est une existence placée sous le signe du plaisir (à grand renfort d’anecdotes), une philosophie originale de la mythologie et enfin une éthique héroïque (à travers une fable dont Hercule est le héros).

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I) L’hédonisme voyou, quelques anecdotes pour un portrait d’un Prodicos hédoniste

II) La mythologie rationnalisée

III) L’éthique héroique

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Conclusion:

· Nous sommes arrivés au seuil de la première année de notre histoire de la philosophie dangereuse.

· On termine avec un voyou jouisseur, Prodicos de Céos qui nous propose un édifice philosophique déterminant : celui d’une éthique héroïque. Pas celle qui ferait de la souffrance un mode de vie, mais celle qui invite à franchir le dualisme manichéen, inévitable, dans lequel tente de nous reléguer la tradition culturelle. Et il faut bien être un héros, mi-homme, mi-dieu, pour se placer au-delà du bien et du mal, au-delà des oppositions, dans un lieu de non tension où les contraires ne se font plus la guerre.

· Charge à nous de faire advenir cette union du bien et du mal, du vice et de la vertu. Charge à nous de faire advenir le héros qui veille en chacun de nous.

Les figures du philosophe-voyou, pour une histoire dangereuse de la philosophie


Cours 6 : Antiphon, le philosophe hors-la-loi


Introduction :

A) Rappel :

· Nous avions arrêté notre parcours philosophique à un panorama, un belvédère relativement dangereux : celui des réalistes tragiques. On avait découvert un petit groupe de penseurs, qui, loin de former une communauté à part entière, se ressemblait sous une même vision de l’existence. Je vais la rappeler brièvement, car elle va résonner au cours de notre rencontre de ce soir.

· Leur point commun – rappelons leur nom : Thucydide, Thrasymaque, Glaucon, Adimante, Calliclès – est une extrême lucidité sur l’existence et ses mécanismes. La vie est régie par « la loi du plus fort », cette idée que la nature, la phusis pour le dire en grec, est reine, imposant une logique de lutte pour l’existence, lutte pour la domination entre les hommes. Sorte de déterminisme implacable : l’homme condamné à écraser son prochain ou à l’être à son tour.

· Certains, comme Calliclès ou Glaucon, nous avaient même porté la démonstration que les lois, présentées comme justes, légitimes et sources de concorde depuis tout temps, n’étaient en fait qu’une expression hypocrite et malade de cette soif de domination que l’être humain a en lui, consciemment ou non. Les lois étaient apparues dans leur plus simple appareil, nues, si vous me prêtez l’expression : des artifices « légaux », subtils et pérennes pour acquérir la force et réduire les autres en esclavages. Sans jamais être soupçonné du pire.

· Je vous avais alors proposé une réponse, autorisant l’homme à se redresser, à secouer ses chaînes tel un lion, l’expression est de Calliclès, et à outrepasser le droit positif (les lois que l’on pond et rédige dans nos Assemblés) : assumer pleinement sa volonté de puissance par delà le bien et le mal, au-delà de toute morale moralisante, la moraline de Nietzsche, vivre et agir dans la célébration du droit de la nature ;

· qui ne fait pas que je tue mon voisin si l’idée me traverse la tête, ou que je le vole si cela m’amuse, mais qui fait que rien n’est placé au-dessus de mon moi, que l’homme, l’individu singulier que je suis, occupe le centre de l’univers ; le vol et le crime resurgissent alors, mais justifiés par les nécessités de la nature.

· et qu’enfin le réel se colore d’une lumière tragique : je suis condamné à être l’acteur et le spectateur d’un univers en lutte. Thérapie philosophique : le fait de savoir guérit l’homme du mal qui l’accable, sans que ce mal disparaisse, bien entendu. C’est le propre d’une tragédie : le héros est accablé par son destin, mais vit son existence néanmoins.

B) Antiphon, un autre philosophe hors-la-loi

· J’aimerais vous présenter ce soir Antiphon, qui est un autre penseur hors-la-loi. Quand on fait le compte des penseurs qui ont pensé contre le nomos, on ne trouve pas grand monde. Comme si, finalement, le confort intellectuel était préférable à l’existence philosophique : l’assoupissement contre l’éveil, la torpeur contre la vie. On n’aime pas ces philosophes : pour Antiphon, j’ai encore vérifié en finalisant le cours de ce soir : absence sans équivoque de toutes les anthologies scolaires. Une pensée qui compte pour rien au regard de la postérité philosophique.

· Antiphon d’Athènes aurait pu reprendre à son compte la célèbre phrase de Descartes de ses Médiations (Préambule de ses Cogitationes privatae) : j’avance masqué, larvatus prodeo. On ignore sa date de naissance, celle de sa mort (peut-être vers 411 avant J-C). On pense qu’il est un peu plus jeune que Gorgias. Pire, on ne sait pas qu’il est réellement, puisque un grammairien de l’Antiquité, Didyme, prétend qu’il existe deux Antiphon, l’un serait notre sophiste et orateur, un autre serait un logographe (qui écrit des discours pour les autres), homme politique, chef de guerre, originaire de Rhamnunte (près de Marathon), partisan d’un coup d’Etat oligarchique. Romeyer dit que des découvertes récentes ont prouvé l’unité, Michel Onfray dit que cela a prouvé le contraire… Prudence donc.

· Je vous propose d’aller au-delà de cette question de spécialiste et de prendre dans les fragments d’Antiphon, qui nous sont demeurés, ce qui permet de dessiner un Antiphon voyou : il est entendu, depuis le début de notre histoire de la philosophie dangereuse que nous avons souvent à faire à des personnages conceptuels. Le rassemblement de quelques fragments et leur interprétation fournissent de quoi sortir du néant ces penseurs…et c’est déjà très bien comme cela.

· Avec Antiphon on va découvrir, non pas une sorte de cri tragique et philosophique, comme celui de Calliclès et de Thrasymaque, mais un système philosophique de l’anti-nomos, du hors-la-loi. Une architecture bien faite et bien construite.

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I) Retour de l'argent en philosophie

II) Un matérialisme hors-les-formes

III) une éthique hors-la-loi

IV) Une psychanalyse hors-le-temps

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En conclusion :


· Sur cet acte de fondation de la psychanalyse par Antiphon, s’achève notre portrait de notre philosophe hors-la-loi. Je crois qu’il s’agit d’une des pensées les plus percutantes de notre Vème siècle. On est passé du cri philosophique de Calliclès appelant à la volonté de puissance à un système philosophique de la force de la nature.

· Les formes tentent de fixer la matière, mais en vain, celle-ci reprend toujours ses droits.

· Les lois tentent de figer les mouvements naturels de l’homme, mais en vain, celui reprend toujours ses droits et fait voler les lois en éclats.

· Les mots tentent de s’approprier le réel, mais en vain, la parole du sophiste crée un autre langage qui permet de retrouver la nature et la santé.

· Retour à Antiphon, donc. Pour une célébration d’une nature puissante et joyeuse, débarrassée du carcan légaliste.