vendredi 23 novembre 2007

Mises à jour du séminaire sur le conflit Israélo-Palestinien II.

1. La viabilité d’un Etat palestinien.

Je me base, pour cette mise à jour, sur un article de Gearóid O’Tuathail : “Contradictions of the two-State solution”, paru dans The Arab World Geographer, Vol. 8, No. 3 (2005), pp. 168-171.

Gearóid O’Tuathail tente dans cet article de réagir aux différents avis du forum du Arab Worl Geographer. Au cours de la discussion, il montre les différentes contradictions inhérentes à la création de deux Etats, Palestinien et Israélien, dans les conditions présentes. Ainsi il questionne the « two-state solution » non comme utopie mais comme solution viable en tant que :

“A stable territorial order that will provide a basis for state building, economic development, and peace for Palestiniens and Israelis.”

Par ailleurs il nous met aussi en garde par rapport au danger de la « grammar of geopolitics » qui consiste à utiliser des abstractions telles que « Israël » et « Palestine » comme si l’on se référait à des entités homogènes.

O’Tuathail commence son article en discutant les vues de Rafael Reuveny sur les formes de colonisations. Pour O’tuathail, la question israélo-palestinienne est une question coloniale, mais avec des caractéristiques uniques. En effet, la formation de l’Etat israélien en 1948 était un projet colonial moderne, bien que nuancée par une vision religieuse ante-moderne. En revanche, l’Israël post 1967 était aussi un projet colonial mais différent en ce sens qu’il reposait plus su un projet sioniste messianique, se renforçant après 1977[1].

Le point commun de ces deux visions coloniales est leur aversion à céder des terres ou des espaces partagés. Par ailleurs, ces deux vision coloniales ont longtemps été alliés bien que différentes : entre l’une séculaire (fleurir les désert / « deserts bloom ») et l’autre religieuse et ante-moderne (sécuriser et renforcer le don de dieu au peuple juif). O’Tuathail, dans cette optique, voit le désengagement de la bande de Gaza comme une renégociation de cette alliance politique plutôt que comme une décolonisation de ce territoire.

Si O’Tuathail est en désaccord avec l’argument d’Ali Jarbawi selon lequel ce désengagement a pour but pour Israël de se recentrer sur une « pure race » plutôt que de consolider toutes les terres occupées. En revanche, O’Tuathail, partage son avis selon lequel Sharon cherchait par là à imposer les conditions israéliennes de l’établissement d’une entité Palestinienne. Cela nous amène à la première contradiction de la solution de deux Etats : si un Etat peut dicter les termes de l’établissement d’un autre, alors le processus devient simplement une codification du pouvoir asymétrique entre ces deux Etats et certainement pas une solution (comme définit plus haut).
La question clé reste, donc, bien évidemment, le type d’Etat palestinien qui va être autorisé à se déclarer souverain par Israël et la communauté Internationale. Cet Etat ne sera que partiel, formés des parties qu’Israël ne veut pas annexer et, de plus, grevée par la corruption de l’autorité palestinienne. Voici donc la seconde contradiction de la solution de deux Etats : le résultat sera de toute façon asymétrique car structuré par l’invivabilité de l’Autorité palestinienne.

La contribution d’Oren Yiftachel note que le sionisme, en tant que projet ethnocratique, ne constitue pas nécessairement une expansion territoriale. Or, comme le retrait ne signifie pas décolonisation[2], il en conclut que le sionisme ne peut, finalement, pas gérer sérieusement les enjeux centraux du conflit. Alors que le sionisme ne met pas en avant mécaniquement l’expansion territoriale, au contraire, nous ne pouvons que constater la bantoustanisation de Gaza et de la Cisjordanie avec la création d’autonomies palestiniennes enclavées et décorées par des symboles étatiques. A ce propos, est-ce « Gaza first ou Gaza last ? ».
Fouad Moughrabi répond à cette question en avançant que cette dynamique inclut un processus de décolonisation (i.e. le désengagement / retrait de Gaza) désigné, en fait, pour renforcer et légitimer le processus de colonisation de la Cisjordanie. Si tel est le cas, avec ce que nous connaissons déjà, il ne résulte que l’entropie régnante dans la bande de Gaza, plus les heurts entre factions palestiniennes, font que l’Egypte pourrait revenir gérer la bande de Gaza, tandis que la Jordanie ferait de même pour la Cisjordanie. Voici donc la troisième contradiction que pointe O’Tuathail : la possibilité réelle de la solution de deux Etats (« Two-State solution ») est morte au moment où elle est le plus étudiée. Ainsi, la contribution de Naseer Ahuri avance que la position de Georges W. Bush, acceptant les installations israéliennes en Cisjordanie a rendu la possibilité d’un Etat palestinien souverain un exercice rhétorique.

Etant donné l’impossibilité d’une solution avec deux Etats, la construction du mur de sécurité (le discours sur la sécurité est-il un alibi pour l’ethnocratie ?), le fait que Bush est assuré par ses « US Letter of Assurance » que tout accord final ne requérait pas un retrait aux frontières de 1967, la solution parait être un changement diplomatique pour une solution à un Etat unique.
Cependant, comme le remarque Newman, une telle haine attise les deux nations qu’une entité binationale ne peut-être crée. En outre, des groupes extrêmes, de part et d’autres cherchent le conflit perpétuel, car leur point de vue est uniquement darwinien : l’un gagne, l’autre perd.

La contribution de Sharif Elmusa offre la seule utopie « realistic » possible : que dans 50 ans, Israël, la Palestine et la Jordanie, tentent d’entrer dans l’UE est aient donc, suivant les critères de Copenhague, besoin de régler leurs conflits frontaliers, d’ouvrir leurs frontières, de revoir leurs livres d’histoires… Mais comme le remarque O’Tuathail, dans cette région :

“One can always dream, but with weapons of mass destruction loose in the world, and Iran finally acquiring a nuclear weapon, there is a dystopia for every utopia we can imagine in this region.”



Source: Gearóid O’Tuathail. “Contradictions of the two-State solution”, The Arab World Geographer, Vol. 8, No. 3 (2005), pp. 168-171.



2. Précédents plans de paix : le cas de l’initiative de Genève en 2003

L'Initiative de Genève, ou Accord de Genève, est un plan de paix alternatif établi par les anciens partenaires des négociations de Taba (2001) pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Elle est signée le 1er décembre 2003 à Genève (Suisse). Les principaux artisans de cet accord sont l'ancien ministre israélien Yossi Beilin et l'ancien ministre palestinien Yasser Abd Rabbo.

Le secrétaire d'État américain Colin Powell a indiqué son intérêt pour cet accord alors qu’Ariel Sharon indiqua qu'il n'approuvait pas cet accord et qu'il l'estimait dangereux pour Israël. De même, l'Autorité palestinienne soutenait faiblement cet accord (Yasser Arafat en tête). Bien évidemment, le Hamas et les Brigades des martyrs d’’ Al-Aqsa estimèrent que cet accord constituait quelque chose d’inacceptable.

Les points essentiels de l’accord :

Objectif :
l'accord final engageait les deux parties à renoncer à toute nouvelle revendication. Il remplaçait toutes les précédentes résolutions de l'Organisation des Nations unies (ONU).
L'Etat palestinien : il était constitué aux côtés d'Israël, conformément aux frontières de 1967, avec certaines modifications.

Colonies :
selon des négociateurs, Israël restituait 100 % de la bande de Gaza et 97,5 % de la Cisjordanie : il annexait les 2,5 % restant pour regrouper les blocs de colonies à Gush Etzion (sud de la Cisjordanie) et dans le périmètre de Jérusalem. En revanche, les colonies d'Ariel (nord), Efrat et Har Homa (sud) faisaient partie de l'Etat palestinien. En échange des secteurs de la Cisjordanie qui restaient sous son contrôle, Israël transfèrait à l'Etat palestinien des zones du Néguev adjacentes à la bande de Gaza.

Jérusalem :
la ville était la capitale de l'Etat d'Israël et de l'Etat palestinien. La souveraineté y était partagée sur la base du principe proposé par le président américain William Clinton : est israélien tout ce qui est juif, est palestinien tout ce qui est arabe, musulman ou chrétien. L'Etat palestinien contrôlait donc la Vieille Ville, sauf le Quartier juif et le Mur des Lamentations. L'Esplanade des mosquées était sous souveraineté palestinienne avec un libre accès, supervisé par une force internationale, pour toutes les autres confessions - mais les juifs n’étaient pas autorisés à y prier. Les fouilles archéologiques n’était pas non plus autorisées sur le site.

Réfugiés :
sauf quelques dizaines de milliers autorisés à revenir en Israël, ils ne pouvaient pas exercer leur "droit au retour" - formule absente du texte de l'accord - que dans l'Etat de Palestine ou vivre dans d'autres Etats de la région.
Sécurité : les Palestiniens s'engageaient à démanteler les infrastructures terroristes et à combattre le terrorisme comme l'incitation à la violence. L'Etat palestinien était démilitarisé et les points de passage étaient supervisés par une force internationale.

Voir le texte de l’accord entier sur:
http://www.aidh.org/Actualite/Act_2003/Images/initiative-fr.pdf

[1] Voir à propos de la formation de l’Etat israélien le second cours la géopolitique de la Méditerranée (donné à l’Université Populaire de Boston le 11/9/2007)

[2] Voir à ce propos l’article du Monde sur la colonisation in Update du cours Israél-Palestine I.

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